Nouvelle vie : mise en place ... Il ne manque plus que la chambre !

Portail

Tout le long du trajet, Amy s'était murée dans le silence, perdue dans ses pensées. Non pas qu'elle ne voulait pas faire connaissance avec Amber, bien au contraire, seulement l'effort qu'elle devait fournir pour ne pas basculer en arrière dans les escaliers lui demandait TOUTE sa concentration .. Elle n'avait jamais été une grande sportive ... Elle se souvient des cours de gym où elle cherchait toujours l'excuse parfaite pour se faire dispenser. Pour elle, c'était une pure perte de temps, elle pourrait être devant son piano à apprendre d'autres morceaux ! Mais maintenant, alors que ce fameux clavier et sa guitare la tiraient en arrière, sans oublier le sac de voyage, qu'elle avait décidé de porter pour soulager Shelley, qui semblait vouloir lui arracher le bras, elle regrettait de ne pas être montée sur cette fichue corde au moins dix fois de suite !

Pour éviter de penser aux escaliers qui l'attendaient, elle se repassa en tête une dizaine de fois son arrivée dans la cour ... Sa chute, la blondasse et Shelley. Encore une fois. Sa chute, la blondasse et Shelley. Dés qu'elle revisionnait le passage où la rebelle fouillait dans ses affaires puis s'attaquait à ses instruments, elle sentait son sang bouillir dans ses veines. Pour se calmer, elle passait directement à la fuite de la pseudo rebelle ... Courageuse mais pas téméraire ... Mais ce qui l'intriguait le plus, c'était Amber. La première phrase qu'elle avait dite à Amy, le premier regard qu'elle lui avait jeté, tout dans sa façon d'être, avait été neutre. Et la voilà maintenant, marchant à ses côtés, un de ses sacs en mains. Les lèvres d'Amy finirent par s'étirer en un petit sourire ravi alors qu'elle gravissait toujours les marches de l'académie. Après tout, elle ne s'en plaindrait pas ! Alors qu'elle regardait de nouveau au ralentit la scène qui s'était déroulée, elle mit le lecteur sur pause quand Shelley se tenait seule au milieu de l'écran.

C'était une habitude, chez elle, de détailler avec attention l'apparence de toutes les filles qu'elle pensait pouvoir considérer comme ses amies plus tard. Incapable de dire pourquoi, elle pensait que c'était tout simplement par curiosité et peut-être aussi, pour commencer à mieux les connaître. Amber ne passerait donc pas outre cet "examen d'entrée". Après quelques minutes, mal à l'aise, Amy se rendit compte que l'adjectif "belle" ne cessait de lui revenir à l'esprit alors qu'elle gardait en tête l'image de Shelley. La profondeur de ses yeux tout comme la longitude de sa silhouette l'impressionnait. C'était la première fois qu'elle réagissait de cette manière ... Et bien, il fallait avouer, cette Shelley était probablement la plus jolie jeune femme qu'Amy n'avait jamais vu ...

Enfin arrivées au deuxième étage, Amy fut sortie de ses pensées par le long couloir qui s'étendaient devant les deux nouvelles arrivantes. Bon dieu, combien de chambres s'étalaient ici ? Une nouvelle pancarte les avertit que le coin fille se trouvait sur leur droite. Amy esquissa un sourire à Shelley, encore trop essoufflée pour parler. Elles se remirent en route, marchant côte à côte. Un peu perdue, Amy n'arrivait pas à s'empêcher de jeter des coups d'oeil en biais à son accompagnatrice. Derrière toutes les portes devant lesquelles elles passèrent, on entendait du bruit ... Ou alors, le battant, entrouvert, laissait voir des valises ouvertes. Amy commençait à désespérer de ne jamais trouver de chambres lorsqu'elles arrivèrent devant plusieurs portes que la pancarte "LIBRE" barrait. Parfait.

"Et bien, voyons voir à quoi ça ressemble ..."

Avec un petit regard enjoué à Amber, Amy posa son sac de voyage par terre et poussa doucement la porte. Elle était nerveuse malgré elle. Chez elle ... enfin, dans son ancien chez elle, sa chambre avait été la pièce qu'elle préférait ... Son antre quand elle cherchait à se mettre à l'abri, le lieu pourtant peu espacé, se transformait volontiers en studio d'enregistrement dés qu'Amy touchait à ses instruments. Elle espérait se sentir aussi bien ici qu'elle l'avait été là-bas.

Reprenant son sac de voyage, elle entra dans la chambre.

L'espace de la pièce avait été partagé en deux. A droite trônait un lit une place, une commode, un placard et un petit bureau. Et sur la gauche, on trouvait exactement le même mobilier placé en symétrie de l'autre. C'était une chambre pour deux. L'endroit n'avait rien de déplaisant, la lumière qui chauffait doucement la moquette claire rendait la pièce plutôt chaleureuse, même ...

Amy eut un éclat de rire. Et bien, elle qui commençait à chercher un moyen de demander à Shelley si elle voulait bien partager cette chambre avec elle, elle n'avait plus besoin de se torturer l'esprit ! Avec tout le naturel du monde possible, sa nouvelle amie avait pris place sur le lit de droite avant de ranger ses affaire. Debout, Amy la regardait faire avec un petit sourire. Au moins, elle n'était plus seule ! Et surtout, cette fois, aucun don ne pourrait l'écarter de ses connaissances, ici, il partageait tous la même caractéristique.

Elle posa ses sacs de voyage eu pied du placard, se décourageant en pensant à la tonne de vêtements qui l'attendait dedans ... Mais une fois qu'ils seraient installés, elle savait qu'elle ne le regretterait pas. Elle avait toujours adoré personnaliser ses tenues, faire des mélanges inattendus ... En partant, elle avait dû laisser derrière encore pas mal de vêtements et elle savait qu'ils lui manqueraient. Néanmoins, ce n'était rien comparé au vide qu'elle ressentait maintenant qu'elle était loin de tout ce qu'elle ignorait ... Ses amies, depuis qu'elles avaient choisi de la repousser, elle n'y pensait que peu. Et quand cela lui arrivait, ce n'était que pour s'imaginer en train de se venger. Une trahison était une trahison. Amy avait attendu d'elles qu'elles comprennent, qu'elles fassent des efforts mais rien n'était venu. Juste le rejet. Et bien, si c'était avec ce genre d'amis qu'elle avait traîné de longues années, ça avait été une perte de temps ! Et ne plus les avoir dans les pattes ne la gênait pas tant que ça. Mais il y avait des tas d'autres choses qui aurait mérité de rester dans sa vie, tout du moins, elle avait eu envie de les garder ...

"Et bien, ça pourrait être pire ... coloc" ajouta t-elle avec un petit sourire en coin.

Elle se tourna vers la housse de sa guitare qui reposait contre le lit. Délicatement, elle entreprit de l'ouvrir. Plié avec la guitare dans l'étui, le pied n'attendait qu'une chose. Toujours avec délicatesse et précaution, car elle touchait là aux objets auxquels elle tenait le plus, Amy le déplia et le mit en place dans un coin de la chambre. Elle posa sa guitare acoustique dessus. Elle s'attarda quelques instants pour admirer l'instrument puis se tourna vers son clavier. Là, ce serait plus délicat. Elle avait toujours eu du mal à monter ce foutu pied !

Elle s'y attaque tout de même, avec encore plus de précautions qu'avec sa guitare. Elle se souvint avec mélancolie, en installant le pied, à quel point elle avait aimé joué sur le piano droit de sa grand mère ... Le son parfait, la sonorité des touches ... L'impression qu'on avait, quand on était devant ce genre d'instruments, de jouer déjà dans la cour des grands, d'être à la tête d'un orchestre fabuleux ... C'était une sensation qu'elle avait toujours gardé au fond d'elle, un souvenir d'une grande clarté et qui ne cessait de raviver la flamme de sa colère contre son père ... Un jour, elle s'achèterait le même ...

Elle dut s'y reprendre à plusieurs fois pour monter le pied. Quand il ne lui tombait pas sur les orteils, il se retrouvait monté à l'envers ! Plus amusée qu'agacée, Amy ne cessait de soupirer en souriant.

Elle finit par reculer pour admirer son travail. Un pied monté, quelle joie ! Elle le testa en appuyant dessus. C'est bon, elle avait bien mis toutes les vis ... Se retournant vers son lit où attendait impatiemment son clavier, elle le prit doucement entre ses mains et le posa sur le pied.

Ca y est, elle se sentait chez elle ...



Avec un petit sourire comblé aux lèvres, après avoir passé ses doigts sur les touches du clavier, elle se tourna vers sa nouvelle colocataire.

"Dis-moi, je me demandais ... tu ... quelles sortes de pouvoir as-tu ?"

Elle se mordilla doucement la lèvre, espérant que sa question ne serait pas mal prise ... elle ne voulait surtout pas raviver de mauvais souvenirs ....

Empathique ? Le malaise commença à envahir Amy. Elle avait toujours considéré que son esprit était le seul endroit où elle était en sécurité, réfugiée ici, personne ne pourrait la trahir ou lui faire du mal ... A juste titre en fait puisqu'elle n'avait jamais rencontré un seul empathique ! Et se rendre compte maintenant que depuis le début Shelley pouvait mettre un nom sur les émotions qui traversaient Amy la gênait quelque peu ... Elle finit par se secouer mentalement les idées. Ici, à Eclyps, ils avaient tous été rejetés parce que les humains avaient eu peur d'eux. Elle n'allait pas faire revivre ici ce qu'Amber avait vécu sur Terre ! Et puis, elle ressentait ses émotions, elle n'entendait pas ses pensées ! Ce n'était pas comparable loin de là ! A voir le visage, en tout cas, assez sombre que portait en ce moment Shelley, Amy se dit qu'être empathique ne devait pas être considéré comme un don tous les jours ... Dés lors, elle se fit la promesse de tenter un maximum de contrôler ses émotions en la présence de son amie pour éviter de la blesser ! Un challenge tout à fait inconnu pour la reine de l'impulsivité ...

"Je suis ... mmmh ... rassurée que tu ne ressentes pas la douleur physique ... "

Elle désigna la main brûlée de Shelley. Elle se sentait toujours terriblement coupable et savoir que Shelley n'avait rien senti ne l'avait que peu soulagée ...

"Néanmoins, ta peau a quand même souffert ... On devrait mettre de la crème dessus, pour la réhydrater ..."

Qu'est ce qu'elle se sentait cruche ! A proposer des soins alors qu'elle était la cause de la douleur de sa colocataire ! Elle leva les yeux au ciel puis se tourna vers ses sacs de voyage. Avec tout ce fouttoir, elle avait sûrement pensé à prendre une trousse de soins, non ?! Elle ouvrit dans la fermeture de son sac et enfouie la main parmi ses jupons quand de nouveau la voix de Shelley se fit entendre.

"Et toi, de quoi es-tu capable, hormis me carboniser ou me congeler sur place ?"

Amy se retourna en se relevant, surprise. Elle vit le sourire sur le visage de Shelley. Sourire qu'elle lui rendit de bon coeur. Non, elle était heureuse d'avoir eu ces pouvoirs. Le problème c'était ce que les gens en avaient pensé. Elle répondit sur le même ton enjoué.

"En fait, je suis pyrokinésiste. Je commande le feu. Je suis capable de créer des boules de feu partout, tant qu'il y a de l'oxygène ! Ensuite, contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas capable de réellement te geler sur place. Mon deuxième don est la thermokinésie. Je contrôle la température ambiante. Enfin, contrôler est un bien grand mot ... ce fichu pouvoir n'obéit qu'à mon affect ! Je sais même pas si je suis puissante ou pas sur ce niveau là ... "

Elle finit sa phrase avec une petite moue. Contrôler ses émotions. Tout résidait là, elle en était persuadée. Mais sa colère était tellement difficile à contrôler ... Alors qu'elle se perdait dans le souvenir de ses différentes crises, surtout de celle qui lui avait valu de se transformer en torche humaine, elle ne remarqua pas tout de suite que le regard d'Amber avait glissé sur son clavier. Mais le ton neutre qui parvint bientôt à ses oreilles la surprit. Elle braqua doucement ses yeux bleus sur le visage de Shelley. Perturbé et prise de court par cette nouvelle neutralité qu'arborait son amie en regardant son clavier, elle envisagea d'abord de planquer l'instrument pour récupérer la personne humaine qu'elle avait adopté en tant que colocataire ... Mais rapidement cette idée lui parut absurde, idiote ... pire, inconcevable. Elle vivait pour la musique ...

Redressant fièrement le menton elle répondit alors à Shelley. Elle ne savait pas trop quelle attitude adopter. Fallait-il considérer l'impassibilité presque froide d'Amber comme une attaque ? Une moquerie ? De ce fait, devait-elle répondre sur la défensive et attaquer à son tour ? Elle choisit elle aussi une certaine neutralité. Sachant pertinemment que Shelley sentirait qu'elle était tendue et perdue et que cela suffirait, elle répondit naturellement. Néanmoins, son sourire était moins grand, moins sincère ... plus timide.

"Bien sûr ... Dés que tu en as le temps et l'envie, je te montrerai ..."

Et bien, elle n'allait pas avoir besoin de creuser beaucoup si elle voulait savoir quelle était la blessure enfouie de Shelley. A vrai dire, elle aurait du se douter que tout le monde ici souffrait d'une trahison. Il était logique que pour une adolescente, ce soit de celle de sa meilleure amie que venait la souffrance ... Heureusement pour elle, Amy n'avait pas vraiment eu d'amies très proches, se contentant de faire partie d'une bande. Malgré tout ce qu'elle pouvait se dire, ses amies lui manquaient ... Elle esquissa un sourire compréhensif à Shelley.

"Okay, ne t'inquiète pas ... j'étais juste surprise ... "

Eclyps représentait beaucoup pour elle. C'était à la fois un moyen de se sauver et de sauver sa mère. Ici, elle espérait trouver sa place, reprendre une vie aussi normale qu'on le puisse avec ses pouvoirs. Elle voulait juste être Amy. Sur Terre, cela impliquait être une fille comme les autres ... Mais ici, ici, Amy était pyrokinésiste et thermokinésiste. Elle avait une chambre d'étudiante qu'elle partageait avec une empathique. Au fond d'elle, elle espérait tellement fort que ses espoirs ne seraient pas déçus que si elle venait à se tromper, la chute serait sans doute très douloureuse ... Pourtant elle avait confiance. Ce monde avait été bâti par des jeunes qui, comme elle et Amber, s'étaient retrouvés abandonnés du jour au lendemain. Une telle réussite ne pouvait faire que envie, non ? Déterminée, Amy l'avait été quand elle avait dit au revoir à sa mère, malgré toutes ses larmes. Et elle l'était encore ...

Elle hésita quelques secondes puis s'avança timidement vers sa colocataire, passant ainsi du côté droit de la chambre. Arrivée près d'Amber, elle dut lever la tête à cause des quelques centimètres qu'elle avait en moins. Mais cela ne l'empêcha pas de river ses yeux dans ceux de son amie. Elle se souvint de ce que sa grand mère disait de ses yeux ... A l'en croire, ils étaient tellement bleus qu'en détacher le regard était parfois difficile. Amy se concentra. Elle était sincèrement désolée de ressembler à l'amie qui l'avait trahie mais elle souhaitait plus que tout que Shelley reste ... humaine. Et non si froide et désarmante ... Elle posa doucement le bout de ses doigts sur la main de Shelley avant de poser sa paume entière.

"Tout ira bien."

Sentant le rouge monter sur ses pommettes, elle se mit à regretter d'avoir agi de la sorte. Mais pour une raison qu'elle ignorait, elle se sentait proche d'Amber. Pas proche au point de lui confier toute sa vie et de lui faire confiance comme si elles étaient des amies d'enfance mais disons ... concernée. Détournant ses yeux, elle s'écarta puis retourna à sa place. Elle reprit, l'air de rien, une position naturelle.

"Va pour un morceau de musique !"

Elle remarqua que Shelley avait les yeux rivés sur le piano. Et bien, la guitare, ce sera pour plus tard ! Amy s'approcha donc de l'instrument et le brancha. Elle fit glisser la chaise du bureau jusqu'aux devants du clavier et s'assit. Elle l'alluma et posa doucement son doigt sur le do central. Les vibrations de la note la pénètrent jusqu'au fond de son âme. Elle n'était jamais stressée de jouer devant quelqu'un. Dés qu'elle commençait, de toute façon, généralement, elle se retrouvait enfermée dans un monde qui n'appartenait qu'à elle. Sa passion pour la musique la faisait vibrer tout entière. Elle n'avait jamais peur de se tromper, perfectionniste jusqu'au bout, elle apprenait chaque morceau avec acharnement en faisant tout pour ne rien oublier. De plus, de part son don, son oreille absolue active, chanter faux ne lui arrivait jamais ...

Elle posa ses doigts sur les touches et savoura un instant leur contact. Puis elle chercha mentalement dans son répertoire quoi jouer ... Une chanson lui vint naturellement à l'esprit. Elle parlait de trahison ... Et bien, elle semblait parfaite dans ce contexte ! Les paroles semblaient même avoir été écrites pour Shelley ... Un jour, Amy espérait sincèrement qu'Amber serait capable de dire définitivement au revoir à celle qui l'avait trahie et de ne plus souffrir de ce passage de sa vie ... D'aller de l'avant en bref.

Elle commença donc à jouer et à chanter, dos à Shelley.

La musique est un langage universel. Pour Amy, c'était non discutable. Chaque peuple, chaque culture, chaque croyance, tout se retrouve sous la bannière de la musique. "La vie sans la musique serait une erreur", dit un jour le philosophe Nietzshe. Selon Amy, la vie ne serait même pas possible. A chaque art son langage. Une peinture ne vous dira pas la même chose qu'une chanson. Lettre à Elise, de Beethoven ne vous plonge pas dans le même état que Nuit Etoilée de Van Gogh. Pourquoi parler un autre langage que les mots ? Pour s'ouvrir ... certaines choses ne peuvent pas être dites avec de simples mots, souvent enclins à l'incompréhension ... des fois, on a besoin de faire surgir chez l'autre un sentiment, pas une pensée ... La musique, c'était ça pour Amy. Son tunnel vers un autre monde. Une main tendu pour celui qui est dans le besoin. Le plus beau sourire qu'elle n'adressera jamais à quelqu'un ... En l'occurrence à Shelley.

Alors que ses doigts dansaient avec grâce sur le clavier et qu'elle chantait, Shelley se rapprocha progressivement avant de s'asseoir près d'Amy. cette dernière fut surprise d'entendre la voix de son amie. Très douce, elle chantait avec justesse. Sûrement par timidité, elle chantonnait plus qu'elle ne chantait en fait. Pour l'encourager à la rejoindre, Amy baissa un peu le ton elle aussi. Et rapidement, les deux jeunes femmes se retrouvèrent à chanter ensemble. Amy souriait intérieurement. Ce duo sonnait comme une promesse aux oreilles de la brune ... Comme si, à partir de maintenant, Shelley acceptait le fardeau que son ex-amie lui avait jeté sans vergogne sur les épaules ...

Les dernières notes s'éteignirent sous les doigts d'Amy qui resta un petit moment à regarder ses doigts. Puis, un petit sourire ravi aux lèvres, comme à chaque fois qu'elle jouait, elle tourna la tête vers sa colocataire, ses cheveux tombant de ce fait en cascade sur les touches du piano. Elle plongea de nouveau un long moment son regard dans celui d'Amber avant de briser le silence.

"C'était magnifique ..."

Songeant que Shelley avait peut-être besoin de "solitude", elle détourna le regard vers son piano et s'amusa à jouer plusieurs solo de notes rapides et aigues. Elle mourrait d'envie de prendre Shelley dans ses bras et de la serrer contre elle en lui murmurant qu'elle ne serait plus jamais seule ... mais elle ignorait qu'elle serait la réaction de son amie ... Le fait qu'elle ait chanté avec elle avait beaucoup émue Amy et d'une façon ou d'une autre elle avait ainsi l'impression d'être liée avec la jeune femme ...

Le silence persista quelques instants. Amy aurait donné cher pour savoir ce que pensait son amie ... Elle se fit la promesse qu'elle ferait le grand maximum pour l'aider à oublier celle qui l'avait trahi. Elle s'aperçut avec surprise que cette promesse la toucha plus qu'elle ne le pensait. N'y tenant plus, elle céda.

Se retournant vers Shelley, elle enroula doucement ses bras autour de son amie avant de la serrer tendrement contre elle, mais de façon hésitant, de peur d'effrayer ou de déranger Amber. Elle sentait le coeur de son amie qui battait contre le sien ...

[HRP : C'est moins long que d'habitude, désolée ! :s Je me rattraperai, promis ! ]

Le temps semblait s'être arrêté et si Amy savait qu'elle ne possédait pas ce pouvoir, elle penserait sincèrement qu'elle était à l'origine de cette défaillance de l'espace temps. Entre chacun de ses battements de coeur, il semblait se dérouler d'interminables minutes. Mais au lieu de manquer d'air, Amy se sentait parfaitement bien ... Elle avait le nez enfoui dans les cheveux de son amie d'où se dégageait une odeur fleurie, une odeur de printemps ... Doucement, elle ferma les yeux. Quelque chose au fond d'elle la remuait. Elle ne savait pas quoi ... Tout ce qu'elle pouvait en dire c'était que c'était la première fois qu'elle se sentait perdue ... intérieurement. Comme si elle ne reconnaissait plus rien de son corps ... C'était agréable et désagréable à la fois. Mais la seule chose dont elle était sûre, c'est qu'elle aurait aimé que cette étreinte dure des heures encore ... Et tant pis si sa position tordue lui était de plus en plus douloureuse.

Malheureusement pour elle, quelqu'un frappa à la porte et en un instant, l'atmosphère qui s'était installée dans la chambre disparut. Amy se sentait bafouée et trahie alors qu'elle et Shelley s'écartaient l'une de l'autre. Comment quelqu'un pouvait-il oser pénétrer ainsi dans LEUR monde et briser LEUR instant ? Frustrée, pour une raison qu'elle n'était même pas sûre de connaître, elle tourna la tête vers la porte.

"Oui ?"

La grincement pourtant léger que fit la porte en s'ouvrant sonna douloureusement à l'oreille d'Amy. Il sonnait la fin de l'intimité des deux jeunes filles et à cette idée, son coeur se serrait. Un adulte, mais pas plus de vingt cinq ans, passa la tête dans l'encadrement de la porte.

"Je prends juste vos noms les filles ... Pour avoir la liste des élèves ..."

Amy fusilla l'insolent du regard. Se détournant vers son piano, elle bougonna.

"Amy Parker."

L'homme dut sentir qu'il n'était pas le bienvenue puisqu'il resta sur le seuil. Son calepin en main, il y griffonna rapidement le nom d'Amy avant de river ses yeux sur Shelley. Alors que son amie répondait, Amy restait perdue dans ses pensées, devant son clavier. Par réflexe, comme lorsqu'elle souhaitait réfléchir, elle se mit à jouer Lettre à Elise, mais doucement, son trop appuyer sur les touches. Une sensation lui collait à la peau, comme si elle sentait encore le corps de Shelley contre le sien. Et cette impression, la rendait légèrement mal à l'aise. Pourquoi ? Parce qu'elle l'appréciait ... Oui, elle l'appréciait énormément, et cette satisfaction personnelle effaçait sans effort le malaise qu'elle pourrait ressentir. Elle entendit la porte se refermer derrière celui qu'elle supposa être un surveillant.

Elle releva les yeux vers son ami, cherchant au fond de ses pupilles si elle ressentait le même trouble qu'elle ... Le bruit des pas de l'homme s'éloignait dans le couloir. Alors qu'elle gardait ses yeux rivés sur ceux de Shelley, ses poils se hérissèrent doucement, signe que ses affects prenaient le dessus sur son contrôle. La température ambiante augmenta de deux degrés. Brisant leur contact visuel, Amy grimaça.

"Oops, excuse moi, je suis désolée ... Je comprends pas ... "

Et ca, c'était la vérité vraie ! Elle se leva et marcha jusqu'à la fenêtre qu'elle ouvrit doucement. Elle était perturbée et perdue mais elle aimait tellement ça ...

Devant la fenêtre, Amy essaya de se calmer. De reprendre le contrôle qu'elle n'avait jamais eu sur son deuxième don. Il était temps qu'elle dépasse ses affects, qu'elle devienne l'unique maîtresse de ses pouvoirs. Mais se concentrer sur la température lui semblait impossible. Et ça le devint encore plus lorsqu'elle sentit la présence de Shelley à ses côtés. Un instant, elle crut qu'elle avait de nouveau fait augmenter la température de la pièce et s'apprêtait à s'excuser lorsqu'elle se rendit compte que c'était elle, en réalité, qui avait chaud. Etrange sensation, elle avait oublié ce que ça faisait ... Depuis que ses pouvoirs s'étaient manifestés, elle n'était plus sensible à la chaleur. Poser la main sur un feu ne la dérangeait pas du tout et sa peau n'avait plus aucune réaction. Lorsque Shelley brisa le silence, Amy se tourna tout naturellement vers elle pour entendre la suite de sa phrase. La jeune empathique avait détourné le regard et fixait le ciel, l'air vaguement mal à l'aise.

"Oui ?"

Aucune réponse. Shelley semblait perdue dans ses pensées. Les sourcils froncés, Amy continua de la regarder un instant. Puis elle se tourna à son tour vers le ciel dans lequel quelques étoiles commençaient déjà à pointer le bout de leur nez. Songeant que la brise se faisait fraîche, Amy posa sa main sur le rebord de la fenêtre, paume vers le ciel. Une flamme prit doucement naissance sur sa peau, réchauffant ainsi les deux jeunes femmes. Amy perdit son regard sur les nuances d'orange qui dansaient sur sa main. Elle aurait aimé pouvoir dire quelque chose, un truc d'intelligent ou de super beau, quelque chose qui aurait brisé le silence et qui aurait doucement poussé Shelley à la regarder de nouveau. Elle sentit une pointe de jalousie. Amber était sûrement en train de penser à celle qui l'avait trahie. C'était injuste, alors qu'elle, Amy, était juste à côté, dans l'attente de la fin de sa phrase ! Elle se sentit rapidement stupide d'un accès de jalousie tel.

La flamme dansait toujours avec grâce dans sa main et Amy s'amusa à y plonger les doigts de son autre main, savourant les chatouillis qui se répandaient dans son corps. Elle se sentait bien et cela faisait tellement longtemps ... Elle eut une nouvelle pensée pour sa pauvre mère qu'elle avait quittée du jour au lendemain et pour son père, ce salaud de profiteur ... La flamme dans sa main prit un petit peu plus d'ampleur. Au fil de ses pensées, elle s'arrêta de nouveau sur Shelley. Quelque chose chez cette fille lui avait tapé dans l'oeil, il ne fallait pas nier l'évidence. Elle avait en elle quelque chose qui ... agissait sur Amy comme un aimant. Amy tentait désespérément de savoir ce qui résultait de cette attraction. Éprouvait-elle de l'admiration pour son amie ? Non ... L'admiration, elle l'avait déjà ressentie et c'était loin d'être aussi ... étrange.

N'y tenant plus, elle tourna la tête vers Shelley, obligée de la lever légèrement pour bien voir le visage de son amie.

"Tu voulais me dire quelque chose ?"

Elle n'abandonnerait pas, elle voulait savoir. Lorsque sa colocataire avait prononcé son prénom, en plus de l'étrange pincement au coeur qu'elle avait ressenti, Amy avait eu l'impression que Shelley s'apprêtait à dire quelque chose d'important ... Se resserrant contre Amber et rapprochant sa main enflammée de son amie, elle put lui offrir un peu plus de chaleur. Mais elle gardait la tête levée vers elle.

"Shelley ?"

Regarde moi, pensait-elle tout bas, regarde moi, regarde moi. Elle commença à regretter une fois de plus d'être plus petite. Le sentiment de puissance qu'elle avait ressentie lorsqu'elle avait pris totalement feu chez elle ou ne défiant la pseudo rebelle précédemment, elle aurait souhaité de tout son coeur le ressentir de nouveau. Etre capable de prendre des décisions et des risques par soi-même et aimer ça ...

Amy commençait à se sentir mal à l'aise. Le silence qui pesait sur les deux jeunes femmes devenait de plus en plus lourd. Le dernier contact visuel qu'elles avaient eu, en plus d'avoir duré un bon moment, n'avait servi qu'à faire rougir Amy. Et pourtant, elle était incapable de dire pourquoi. Heureusement, Shelley avait finit par détourner le regard. Amy s'était alors empressée de reporter son regard sur la flamme qui réchauffait les deux adolescentes. Les éclats jaunes se reflétant dans ses yeux, elle commençait à en avoir marre de toutes cette gêne, de cette espèce de timidité qui n'arrêtait pas de la faire rougir ! Elle finit par se demander si ce n'était pas l'idée de partager avec cette fille l'année qui allait arriver, sa nouvelle chambre et la vie nouvelle qui s'offrait à elle ... Mais Amy s'était toujours sentie à l'aise avec les gens ... Cette histoire ne tournait pas rond ! Y avait-il un abcès à crever ?

Perdue dans ses pensées, elle finit par se rendre compte qu'Amber n'était plus à ses côtés. Se tournant vers l'intérieur de la chambre, elle la retrouva près de son armoire. Avec un petit sourire intérieur, Amy se dit qu'un jour ou l'autre, elle devrait affronter le monstre et ranger elle aussi ses fringues ... En cas de besoin, chercher dans un placard serait beaucoup plus pratique que de se noyer dans un sac de voyage plein à en vomir !

"Oh, tu as froid ?"

Elle poussa doucement le battant de la fenêtre sans pour autant le fermer complètement. Elle se sentait déjà bien assez mal à l'aise comme ça alors autant éviter d'en rajouter avec une impression de renfermement ! En se concentrant, elle tenta d'essayer d'augmenter l'intérieur de la pièce. Déjà qu'utiliser ce don lorsqu'elle avait toutes ces capacités était compliqué alors ... la tête complètement embrumée, c'était carrément impossible !

"Oh, dormir ... ? Tu es fatiguée ... ?"

Les deux jeunes femmes devaient absolument apprendre à être plus en confiance l'une avec l'autre, si c'était de confiance qu'il s'agissait. Amy, personnellement, en doutait. Elle ignorait ce qu'il se passait mais elle était presque sûre que seul le temps les aiderait. Se coucher maintenant lui semblait une mauvaise idée. Elle se voyait déjà, immobile dans son lit, à ne pas oser bouger pour ne pas déranger son amie !

Elle repoussa timidement les mèches de ses cheveux derrière les oreilles.

"Et bien ... je vais ranger mes vêtements ... Et j'en ai sûrement pour un bon petit moment ... Seulement, si tu veux dormir, okay, je ... ben je me coucherai aussi !"

A sa façon de parler, n'importe qui pouvait se douter qu'Amy non plus ne voulait pas dormir. Pas besoin d'être emphatique. La gêne en elle commençait doucement à s'évaporer pour laisser place à une sorte d'excitation. Dés le lendemain, la nouvelle vie d'Amy commencerait ! Mais elle savait que ce n'était pas dû qu'à ça ... L'idée de faire connaissance avec Shelley en rangeant, de papoter ... tout ça l'attirait énormément ! Un sourire tout neuf, aux lèvres, elle se détourna vers son sac. Mais ce faisant, sa maladresse naturelle reprit le dessus ... Amy se prit lamentablement la fenêtre dans la figure. Fenêtre qu'une légère brise avait réouverte. Avec un mouvement de recul, mêlé à la surprise, elle bascula sur les fesses. Un petit moment passa, Amy était complètement abasourdie ... Puis, malgré la douleur dans son front ...

Elle éclata de rire.

Alors là, c'était carrément la honte. Plus que la honte, maintenant, cette histoire ne la quitterait plus jamais ! D'ailleurs ça commençait ! De maladroite, elle passait à maladroite légendaire ! Son rire résonnant toujours dans la chambre, elle accepta avec joie la main de Shelley pour se redresser. Certes elle avait mal mais rien que de s'imaginer se casser la figure avec le ralenti et le petit cri de surprise, les larmes lui en montaient aux yeux. La sensation habituelles dans son ventre ne tarda pas à se faire ressentir. Un jour, à force de rire, elle finirait par avoir des abdos magnifiques ! M'enfin, c'était pas encore tout à fait gagné, le chocolat avait tendance à ne pas vouloir quitter son ventre ... Sa main toujours dans celle de Shelley, que, sans s'en rendre compte, elle serrait encore, elle porta une main à son front avec un nouvel éclat de rire. "Boulet", en un mot, Shelley avait tout résumé !

"Quelle nulle ... Franchement !"

Elle était plus désespérée par sa bêtise qu'ennuyée par la douleur. D'ailleurs, au coin de ses joues, les petites fossettes étaient revenues du fait du grand sourire qu'Amy affichait. Elle vit bientôt le visage de Shelley changer, se décomposer pour prendre une mine sérieuse et inquiète. Tâtant son front, Amy ne tarda pas à comprendre pourquoi. Et bien, elle aurait une magnifique bosse pour la rentrée ! Malgré la taille, certes, impressionnante de l'oeuf de pigeon qu'elle avait récoltée, la douleur était supportable. Aussi, elle s'empressa de rassurée son amie, touchée au fond d'elle de tant d'inquiétude. Inconsciemment (foutu subconscient ! Merci Freud ! ), elle resserra ses longs doigts autour de la main de d'Amber, exerçant sur cette dernière une légère pression qui se voulait rassurante.

"Ne t'inquiète pas pour moi, si tu savais toutes les blessures de guerre que j'ai récolté ! La pratique de la maladresse à plein temps est dangereuse ... Vivre dans mon corps mériterait une prime de risque. Je suis presque sûre d'avoir un problème à l'oreille interne ... Ma mère, par exemple ..."

Amy s'interrompit doucement. Le visage encore levé vers Amber comme si elle continuait de lui parler et la bouche légèrement entrouverte, elle n'arrivait pas à finir sa phrase. Ses doigts se resserrèrent un peu plus autour du poignet de Shelley. Elle se rendit compte que ... c'était douloureux. Elle s'en voulait tout de suite d'avoir plombé l'atmosphère rieuse qui s'était installée, libérant les deux jeunes femmes de la tension. Elle se concentra de toutes ses forces pour bloquer douleur ... Hors de question que Shelley ne ressente la même détresse qu'elle ! Elle n'arrivait pas à se détourner ... De toutes ses forces, elle se concentrait pour protéger son amie ...

[HRP : désolée pour la longueur !!! :s ^^ ]

Amy se blottit un peu plus contre Shelley. Dans les bras de son amie, elle se sentait encore plus petite mais pour la première fois, elle aimait cette sensation. Se sentir protégée de tout ... Les yeux fermés, elle se contenta de tendre l'oreille . Cette fois la porte ne s'ouvrit pas et rien ne vint déranger les deux jeunes femmes. Pourquoi Amy, alors qu'elle en mourrait d'envie, n'arrivait-elle pas à sortir tout ce qu'elle avait sur le coeur ? Dans son ancienne vie, avec ses amies, qui en réalité étaient plus des copines qu'autre chose, elle n'avait jamais abordé le problème de sa famille. Trop personnel pour elle, elle ne se sentait pas assez en confiance. Mais au bout d'un moment, tout le monde avait besoin de se vider, sinon c'était l'explosion assurée ! Ce n'était pas si compliqué ... "Shelley, j'ai abandonné ma mère parce qu'elle souffrait de ce que l'éclipse m'a donné. Mon père est un sale enfoiré qui a passé sa vie à nous pourrir la notre. Maintenant que ma mère est seule cher elle, j'ai peur d'avoir une bêtise. Je ne suis plus là pour la protéger, tu comprends ? Et en plus, je ne capte rien à ce qui m'arrive, je me sens toute chamboulée quand tu es près de moi, j'ai des envies bizarres, genre, te serrer près de moi et caresser tes cheveux ... Je suis paumée, regarde moi, Shelley, paumée !!!!!!!"

Mais elle avait beau s'agripper à Shelley, rien ne sortait de sa bouche ... Et la détresse qui menaçait de la faire exploser ne cessait de grossir. Contenir tout ça et faire semblant de ne rien ressentir son amie était compliqué ... Bientôt, des larmes perlèrent à ses yeux. La voix de Shelley retentit à ses oreilles avec douceur. Amy hocha doucement la tête.

"Je sais ... Tout ira bien."

Tout ira bien. Elle avait toujours adoré cette phrase. Présente dans beaucoup de ses chansons, elle s'y était souvent raccroché comme à une bouée de sauvetage. Aujourd'hui était peut-être un enfer mais rien ne disait que demain serait pire ... Il y avait toujours de l'espoir, non ?

Quelle chose glissa le long de sa joue. Amy se rendit compte que c'était une de ses larmes. Elle se sentit alors tellement stupide ... Elle qui s'était toujours vantée d'être forte, d'avoir encaissé les coups bas de son père sans flanchée ... Elle craquait maintenant ? Elle se devait de rester forte, de s'écarter de Shelley et de sécher ses larmes !

Elle finit par comprendre ... Le problème n'était pas là. Ses larmes se séchèrent d'elles-mêmes et Amy finit par ne plus désespérer à l'idée d'avoir laissé sa mère ... Seulement, elle était toujours blottie contre Shelley. Là résidait toute l'importance de ce moment ... Elle ne voulait pas s'écarter. Pour rien au monde.

"J'te l'fais pas dire ! Mais c'est ce qui fait ton charme !"

Charme. Le mot tournait en rond dans sa tête. Son charme ? Jamais elle n'aurait tiqué dans une autre conversation ... Dans la bouche de Shelley, cela sonnait comme une révélation. C'était ça alors ? Ce qui rendait mal à l'aise Amy depuis le début ... c'était ça ?

Agrippée à Shelley, Amy entrouvrit les lèvres, sa bouche près du cou de son amie. Et dans un murmure, elle reprit la révélation ...

"Toi aussi, tu sais ... Tu as du charme ..."

Sa voix tremblait légèrement mais les larmes avait arrêté de couler. Pourtant, elle restait dans les bras de Shelley. Pour rien au monde, elle ne s'écarterait.

« Merci… Allez, courage, ca va s’arranger. Ne t’en fais pas, d’accord ? Et puis… Je suis la… »

Une promesse ? Ou tout simplement une parole réconfortante ? Alors qu’Amy doutait souvent de ce genre de promesse, craignant trop la déception, sa confiance avait toujours été dure à gagner, cette fois-ci, alors qu’une chaleur autre que celle de ses flammèches la réchauffait, elle ne parvenait pas à douter. Fallait-il pour autant se laisser aveugler par Shelley ? Devenir son ombre, être toujours à ses côtés comme elle en avait à cet instant le désir ? Ne risquait-elle pas la chute ? Cependant, la tentation de tout laisser aller, de se laisser aller elle-même était en ce moment tellement forte … Le bras que Shelley avait laissé autour du coup le temps de repousser ses cheveux chauffait sur sa peau. Quelle sensation étrange ! Leurs visages étaient maintenant légèrement écartés à cause du recul qu’avait pris Amber pour dégager son visage. Amy en profita pour lever les yeux vers le visage de cette dernière et la dévisager. Elle lui esquissa un sourire avant d’hocher doucement la tête.

« De toute façon, tu as intérêt d’être là, oui … Je te laisserai pas partir facilement, je tiens à te prévenir. »

Elle avait essayé la pointe d’humour. D’une part, c’était une manière douce de se faire pardonner d’avoir plomber l’atmosphère, d’autre part, pour la plupart des adolescents, l’humour est le meilleur moyen de dire quelque chose de plus ou moins sérieux Amy commençait doucement à se rendre compte que quelque chose en elle prenait de l’ampleur, une chose dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence. Jamais, alors qu’elle avait dix huit ans, aucun garçon ne s’était intéressé à elle. Amy avait, à une période, déploré ce manque, se remettant en cause. Puis, avec la maturité était venue la conclusion qu’au final, elle en avait très peu à faire elle aussi. Et au fur et à mesure qu’elle grandissait, elle n’en avait vraiment eut plus rien à faire ! Là, dans les bras de Shelley, alors qu’elle ne parvenait pas à détacher son regard des traits fins et parfaits de son amie, elle se souvint de toutes les rencontres avec ses amies, cette habitude qu’elle avait de toujours examiner leur apparence, de les détailler du regard … serait-ce possible qu’elle n’ait pas eu l’orientation sexuelle qu’elle avait toujours pensé avoir ?

Une chose était sûre, elle avait une étrange boule dans le ventre, une boucle de chaleur. Son cœur battait plus vite que d’habitude et chaque contact avec Shelley lui brûlait la peau. Et elles étaient là à discuter du charme de l’autre … Plus que de charme, Amy aurait voulu parler de beauté. Mais, étrangement, elle se sentait mal à l’aise, timide, comme … coincée ? Intérieurement, elle s’amusa de la rapidité avec laquelle elle avait accepté cette nouvelle situation. Car si ce n’était pas sûr, il se pouvait parfaitement qu’Amy soit fortement attirée par Shelley. Et ça ne la dérangeait pas plus que ça. Après tout, pourquoi pas ?

Avec un petit sourire, Amy cligna enfin des yeux avant de détourner son regard. Elle referma ses bras dans le dos de Shelley, rapprochant de nouveau les deux jeunes femmes et elle posa délicatement son oreille contre Shelley, au dessus de sa poitrine, juste à côté de son cou.

« La vache, en quoi elles sont faites ces foutues fenêtres ?! »

Son ton avait changé. Son attitude avait changé. Elle ne cherchait pas vraiment à draguer Shelley, non. De toute façon, elle n’avait jamais fait ce genre de chose et adroite comme elle était, se le tenter reviendrait à se faire virer de la chambre des deux ados à coup de pieds dans le derrière ! Elle était simplement moins perdue. Qu’il était bon de sentir qu’on avait repris un peu plus de contrôle sur la situation ! Elle n’était plus victime des évènements, elle désirait qu’ils évoluent comme ils le faisaient. La compréhension est parfois un sacré dos !

Mais elle n’avait pas menti, son front lui faisait toujours un peu mal. La bosse devait être admirable. Genre, le mont Everest sur une plaine parfaitement plate. La douleur lui descendait dans les tempes et elle sentait son sang battre douloureusement dans sa tête. Elle n’aspirait qu’à une seule chose, en réalité … Comme une gamine de six ans, elle était presque sûre qu’après son désir satisfait, tout irait pour le mieux … Il ne fallait pas qu’elle bouge des bras de Shelley, peut-être que celle-ci finirait par comprendre … peut-être même qu’elle en aurait elle aussi envie ? Amy se sentait particulièrement puérile mais cela l’amusait. Elle avait bobo. Et quand on a bobo, une seule chose peut vous guérir.

Vous savez ? Les bisous magiques de maman … Ils faisaient partir toute la douleur rien qu’au contact des lèvres sur la blessure …

Amy restait sur place, figée. N’importe qui qui entrerait dans la pièce en ce moment se demanderait à coup sûr si la brune n’était pas en train de prendre racine. D’ailleurs, cette dernière semblait trop hébétée et ailleurs pour se soucier d’une quelconque contenance. Ah ça, Shelley avait atteint son but, elle ne faisait même plus attention à la douleur dans son front et ses larmes avaient cessé net ! Sur ses lèvres persistait la légère pression qu’Amber avait exercée avec les siennes. Son passage avait rapide et doux, il avait duré trop peu de temps pour qu’Amy ait le temps de fermer les yeux mais trop longtemps pour qu’elle puisse faire comme si de rien n’était. Elle n’avait même plus assez de connections avec son cerveau pour ordonner à ses yeux de regarder Shelley. Cette dernière s’excusa et recula. Amy entendit néanmoins à sa façon de parler qu’elle aussi était dépassée par les évènements. N’ayant pas détesté ce contact pourtant étranger pour elle, Amy aurait voulu lui dire que c’était okay, que tout allait bien et qu’elle pouvait même recommencer si elle en avait envie ! Mais le seul mot qui traversa ses lèvres fut …

« Hein ? »

C’était, il fallait le remarquer tout de même, une magnifique façon d’extérioriser la façon dont elle était perdue. Mais bon, niveau dialogue avec autrui, ça limite les possibilités de réponse ! A l’image de la tornade qui dévastait tout en elle, ses dons s’affolaient. Ses poils sur ses bras se hérissaient comme lorsqu’elle est sur le point de faire apparaître une boule de feu et la température ambiante de la chambre jouait au yoyo, frôlant tantôt les vingt cinq degrés pour descendre au neuf degrés tout juste. C’était un coup à choper un bon rhume … Mais Amy était vraiment trop remuée pour pouvoir y faire quelque chose.

Elle finit par réussir à regarder Shelley. Et elle se retrouva face à un regard qui la surprit un peu plus. Il lui parut … bien plus que réel que toutes les autres fois où elle avait plongé le sien dedans. Comme si … comme si elle le voyait pour la première fois tel qu’il était vraiment. Et en plus d’être profond et de briller d’intelligence, il lui sembla que ce regard était capable de regarder au plus profond d’elle. Comme s’il suffisait d’un coup d’œil à Shelley pour voir ce qu’Amy cachait au fond d’elle …

Amy avait toujours aimé garder ce qu’elle appelait un jardin secret. Il y a certaines choses qu’on ne peut pas dire et elle n’était pas le genre de filles que garder un secret mettait dans tout ses états. Au contraire, elle préférait en avoir plutôt que d’être sans mystères pour ses connaissances. Le savoir est une arme. Et elle a toujours été d’accord avec cette phrase. Elle n’allait donc pas offrir des munitions à ses proches ! Le temps seul pourrait lui dire si elle pouvait s’ouvrir un peu plus à ses amies. Et le temps lui avait en effet bien montré qu’elle ne pouvait pas, de toute évidence …

Pour en revenir à Shelley, Amy aurait pu croire qu’elle aurait détesté cette sensation de n’être sans aucune défense face au regard de son amie. Mais contre toute attente, elle adorait se retrouver à nue devant cette fille … elle aimait pensé que cette dernière défendrait toujours ce qu’elle voyait … Tout comme Amy pensait en ce moment qu’elle protègerait sa Shelley de tout …

Y compris de son incapacité à lui faire comprendre pour l’instant qu’elle avait adoré.

« Shelley … »

La température semblait s’être stabilisée dans les 15 degrés. Il faisait frisquet en bref … Mais Amy brûlait de l’intérieur. C’était un parfait prétexte, non ? Bien que Shelley ne serait pas dupe (après tout, Amy ne voulait pas vraiment qu’elle le soit !), la brunette prétexta le froid ambiant pour serrer de nouveau Shelley contre elle afin de la réchauffer. La douce odeur des cheveux d’Amber lui caressa doucement les narines. Elle entrouvrit les lèvres et parla d’une petite voix timide.

« Tu peux recommencer si tu veux … »

Amour (nom masculin) : sentiment d’affection, d’attirance sentimentale et sexuelle entre deux personnes.

Mmmh … Rien sur les vertiges ? La boule de feu au creux du ventre ? Et la soudaine envie d’éclater de rire ? Le cœur qui s’emballe follement, c’est normal ou ça vient d’une maladie ?

Toutes ces questions qui tournaient dans la tête d’Amy ne la rendaient plus aussi folle que les interrogations qui, plus tôt, l’avaient chamboulée. Quand les lèvres de Shelley s’étaient de nouveau approchées des siennes, elle s’était laissé faire, savourant leur contact. Et avec un élan de courage, puisque c’était là son premier franc baiser, elle lui avait répondu, crispant ses mains sur sa nuque. Elle apprécia, une fois leur baiser terminé, le corps de Shelley qui se détendait contre le sien. Alors que son amie avait les yeux fermés, Amy, elle, les avait grands ouverts. Et elle n’avait de cesse de dévisager avec attention chaque recoin du visage de sa Shelley. Une pointe de fierté fit irruption parmi la multitude de sentiments qui l’envahissaient en la voyant si sereine … Se hissant sur la pointe des pieds, elle déposa plusieurs baisers sur son visage, les yeux rieurs, afin de lui communiquer sa joie. Puis elle retourna se lover dans ses bras.

Amy eut un petit éclat de rire à la phrase de Shelley. Il n’y avait pourtant rien de marrant mais elle se sentait d’humeur à rire, voilà tout ! L’idée d’être colocataire avec sa Shelley lui plaisait énormément en même temps que ça l’excitait. Pouvait-elle vraiment, en une soirée, avoir tout gagné ? Amy sentait le bonheur à trois kilomètres à la ronde. Si il y avait dans le bâtiment d’autre empathiques, c’était sûr, il sentait cette vague de bonheur ! Songeant qu’il faisait encore un peu frisquet, Amy fit remonter la température aux alentours des 20 degrés. Surprise, elle se figea en levant la tête vers Shelley.

« Tu as vu ?! J’ai réussi ! »

Elle était tellement contente d’avoir connu le goût des lèvres de Shelley qu’elle sentait qu’un rien pourrait la rendre folle de bonheur. Surexcitée, elle regarda autour d’elle et pinça ses lèvres, concentrée, pour faire de nouveau osciller les degrés. Mais ce qu’elle avait réussi à faire précédemment relevait sûrement de la chance du débutant. Impossible de recommencer … Mais il en fallait plus pour lui briser son instant de bonheur. Elle se contenta d’afficher une moue boudeuse en marmonnant.

« Fais chier … »

Elle se retourna vers Shelley et le regard de cette dernière la surprit une nouvelle fois. Sera-t-elle habituée un jour à être passée au scanner à chaque fois qu’elle regarderait sa chérie dans les yeux ? Elle ne l’espérait pas, en tout cas. Se sentir sans secret pour la personne qu’on aime est une sensation inégalable … Quoi qu’il en soit, elle lui adressa un petit sourire, les étincelles dans ses yeux pétillants toujours malgré son échec.

« On devrait peut-être dormir … Bien que je me sente trop surexcitée pour même penser à fermer l’œil … »

[HRP : Ouf, c'est court !!! Désolée :s ]