Une rencontre peut-être pas si hasardeuse ... [Shelley]

La première matinée de cours à Eclyps s’était déroulée normalement. Tellement normalement que Lexie commençait à douter de la possibilité de nouveau départ que proposait cet établissement. Elle s’était attendue à des manifestations de pouvoirs à gauche à droite, des profs débordés et dépassés … Bref, elle pensait avoir quelque chose à faire au moins ! Et au lieu de ça, des étudiants timides, silencieux pour la plupart, leurs regards allant de gauche à droite, cherchant quelqu’un à qui se raccrocher. Tous des rejetés, avait-elle fini par comprendre. Elle aurait dû se sentir du lot. Pourtant tout ça n’avait pour elle aucun impact, elle s’en moquait éperdument … Elle avait remarqué plusieurs coups d’oeils effrayés de certaines personnes bien précises. Des télépathes ? Si c’était le cas, Lexie n’était plus étonnée que ça de les avoir vu reculer sur son passage. Qui avait envie de n’être qu’une coquille vide ? Bien plus qu’une coquille vide que rien ne venait ébranler, Lexie était glacée … Froide et morte … Son cœur, elle ne l’entendait plus. Pourtant, au collège, on avait dit un jour qu’on ne pouvait vivre sans cet organe. Lexie, elle s’y essayait chaque jour. C’était plutôt bénéfique au final, être capable d’aucun ressenti …

Elle avait décidé de ne pas se fourrer dans le self où les piaillements de ceux qui oseraient faire connaissance avec d’autres l’ennuieraient plus qu’autre chose. C’est pourquoi elle sortit sans hésiter à la sonnerie de 12h00. Certains marchaient eux aussi en dehors de l’académie, leurs écouteurs vissés sur leurs oreilles. Lexie se demanda où était son Ipod, cadeau onéreux de ses parents, nécessaire pour être à la mode … Sûrement au fond de sa valise. A quoi bon écouter la musique, pour quelqu’un comme elle ? La musique n’était-elle pas censée faire ressentir ? Lexie s’y était essayée et ça n’avait pas marché, elle s’était même ennuyée. Et elle détestait perdre son temps.

Insensible aux rares coups d’œil qui la détaillaient, elle marcha d’un pas sûre dans des rues qu’elle n’avait jamais vu pour finalement se retrouver devant un stade. Aussi grand que ceux de la Terre, la pelouse était parfaitement tondue. Lexie s’en agaça. Encore une fois, tout était que trop banal ici. La pelouse aurait pu être rose, ça lui aurait paru plus convenable. Avec un soupir résigné, elle s’avança et finit par prendre place sur une des barrières entourant la vaste étendue verte. Les jambes balançant dans le vide, elle laissa son regard errer sur l’endroit vide et silencieux …

Sur Terre, dans son autre vie (pourtant que trop semblable à celle-ci), elle avait souvent été au centre de ces étendues de pelouse, au sommet de pyramides humaine vêtue de rose, c’était elle qui avait crié les slogans de l’équipe de football du lycée. Elle-même qui avait eu les plus gros pompoms, ceux qui brillaient le plus … C’était elle aussi qui avait été serrée dans les bras du capitaine de l’équipe, un gros bras au sourire ravageur qui faisaient fondre bien des cœurs. Le sien était resté froid. C’était derrière des tribunes semblables à celles-ci qu’elle s’était laissé besogner par ce même capitaine, se hissant d’un coup au sommet de la hiérarchie lycéenne. Reine du bal par la suite, puis petite amie du quater back montant de l’équipe, elle avait enchaîné les succès. Cet endroit semblait être en hommage à tous ces succès. Elle allait devoir tout reprendre ici ? Redevenir la plus adulée du lycée ?

Ses jambes se balançant toujours dans le vide, elle cessa de réfléchir pour se perdre dans son vide intérieur. Le vent froid qui soufflait en elle semblait lui murmurer quelque chose. A ses heures perdues, Lexie essayait de déchiffrer cette énigme. Mais jusque là, elle n’avait jamais compris.

Dortoirs

Enfin ! Cette journée interminable et on ne peut plus lassante de cours était terminée. Enfin, cours... Les profs n'avaient fait que déblatérer sur les puissances insoupçonnables de cet univers sur lequel ils se trouvaient, puis avaient enchaîné sur les épreuves du bac qui ne tarderaient maintenant plus à leur tomber dessus. Même sur Eclyps, cet saleté d'examen était obligatoire ? Shelley s'en fichait, elle avait toujours été travailleuse, et avait d'excellentes notes sans trop bosser. L'ennui, c'est qu'elle aurait voulu une année tranquille, pour une fois. Reprends ses esprits, et tenter de redevenir, ou plutôt de devenir, car elle ne l'avait jamais réellement été, autre chose que cette masse insondable et toujours dans un état proche de la léthargie. A bien y réfléchir, elle avait cru entendre une rumeur comme quoi les étudiants seraient libres de sécher sans aucune sanction en retour, mais elle préférait ne pas se fier aux jugements des autres. Autant ne pas se faire remarquer dès les premiers jours...

Lorsque la dernière sonnerie, qui annonçait la réellement fin des cours, retentit dans les couloirs, la jeune femme était déjà prête. Ses affaires étaient déjà bien enfouies dans son sac, et l'adolescente fut la première à sortir de la salle de classe. Comme sur Terre... Bien que les longs discours de ses professeurs l'aient souvent divertie, elle était bien contente d'en être débarrassée. N'ayant pas réellement d'amis, hormis Amy (avec qui elle venait de décider qu'elles allaient prendre des chemins différents, au moins pour le moment), Amber n'eut à attendre personne, et sortit des locaux d'un pas assuré et déterminé. La distance qui venait d'être établie entre elle et sa colocataire lui avait rendu sa nonchalance. Comme à son habitude, la jeune fille s'était machinalement emparée de son baladeur MP3, dont elle avait au préalable glisser les écouteurs dans ses oreilles, et alluma l'engin électronique, qui ne tarda pas à lui diffuser un rock bien bougeant.

Shelley ne regardait pas où elle mettait les pieds, trop préoccupée par sa musique, plongée dans cet enchaînement de notes qui restait pour elle son seul moyen de s'évader de cette vie qu'elle jugeait inutile. Après une bonne quarantaine de minutes, durant lesquelles elle ne fit sans doute que tourner en rond, la jeune femme finit par se trouver au beau milieu du stade de la ville. Elle releva la tête, histoire de s'imprégner des alentours, et de voir si elle savait à peu près où elle était... Pas le moins du monde. Elle était complètement perdue ! Loin de s'en effrayer, elle continua à scruter les alentours, et finit par la voir. Cette magnifique blonde, légèrement superficielle, qui battait des jambes dans le vide. Elle ne l'avait pas sentie ? Étrange... Elle aurait pourtant dû percevoir ses émotions, ou un minimum des sentiments qui lui traversaient l'esprit... Et bien non, rien.

L'adolescente s'approcha de cette fille pour le moins énigmatique. Elle la dévisagea, et sa façon de se tenir et de s'habiller lui rappela toutes ces pom-poms grils qu'elle matait (il faut bien l'avouer) assez fréquemment. D'ailleurs, pour se trouver ici à cette heure, elle devait faire partie de l'équipe des cheerleaders d'Eclyps. Elle en avait l'allure, en tous cas. Cependant, cette fille, aussi jolie soit elle, paraissait complètement perdue dans ses pensées ou, en l'occurrence, et comme Amber ne détectait pas d'éventuelles émotions, simplement perdue. Maintenant à seulement quelques pas de l'autre fillette, Shelley ne tarda pas à entendre les gargouillis en provenance de son ventre. N'ayant rien d'autre à faire, l'adolescente s'assit à côté de l'inconnue, et commença par un sarcasme bien placé...

"Hey toi ! Tu devrais aller manger, ton ventre fait un bruit vraiment horrible ! Ah et, rapporte-moi quelque chose, tant qu'à faire, au moins tu serviras à autre chose qu'à embellir le décor."

La jeune femme n'avait aucune idée de comment allait réagir son interlocutrice improvisée, mais elle s'en fichait éperdument. Son MP3 jouait maintenant le dernier titre de Linkin Park, et Shelley se sentait bien. Si elle n'était pas montée rejoindre l'autre blondasse, elle se serait sans aucun doute étalée dans l'herbe, sans se préoccuper des regards ébahis de ceux qui passeraient par là. D'ailleurs, il n'y avait pas grand monde, et elle ne risquait pas grand chose...

Lexie regarda la jeune femme passer devant elle, sans vraiment y faire attention. Habillée de façon plutôt banale, elle possédait toutes fois un corps gracieux et fin qui devait en faire baver plus d’une. Les écouteurs sur les oreilles d’où provenaient d’alléchants accords de guitare, elle ne semblait pas avoir remarqué sa présence. L’oreille intérieure toujours grande ouverte vers la brise qui la déchirait, Lexie ne fit pas plus attention à elle. Après tout, qu’importe qu’une autre élève décide de venir se rouler dans l’herbe ? Son regard se perdit donc de nouveau dans le vide. Lexie était constamment seule, elle le savait parfaitement. Que ça ait été dans les couloirs de son ancien lycée, suivie par la bande de pipelettes qui lui collaient aux basques, dans les soirées mondaines de ses parents où elle affichait un sourire éclatant ou au contraire, dans des ruelles abandonnées. Il n’existait personne pour la comprendre puisque de toute façon, il n’y avait rien à comprendre.

Elle se reconnecta au monde au son d’une voix féminine sarcastique et moqueuse. Tournant la tête, elle se rendit compte que la jeune fille de tout à l’heure avait pris place à ses côtés. Les jambes de Lexie arrêtèrent de se balancer. La voix de la nouvelle venue sonna à ses oreilles comme un grincement de craie sur un tableau. C’était ce genre d’intonations que prenait Lexie lorsqu’elle s’adressait à quelqu’un d’inférieure à elle, c'est-à-dire tout le monde. Néanmoins, la brune n’avait pas la classe de Lexie, cette classe qu’on lui avait insufflé à n’importe quel coût, ni sa froideur naturelle. Mais force était d’admettre qu’elle se débrouillait bien dans la neutralité ! Lexie se demanda si en elle aussi, un vent soufflait, cherchant à dire quelque chose dans le creux d’une oreille qui ne comprenait pas sa langue …

Sans relever les paroles de la nouvelle venue, elle fixa cette dernière dans les yeux, sans ciller. Ses iris, totalement dépourvues de sentiments, sondèrent sans aucun gène le regard de la brune. Cherchant, farfouillant sans pourtant sembler y attacher de l’importance. Lexie finit par détourner le regard pour reprendre sa contemplation du lointain. Elle desserra ses lèvres et sa voix brisa à son tour le silence.

Son ton n’était pas sec, juste impassible, neutre … mort.

Elle ne cherchait pas à renvoyer la balle de la moquerie de la jeune femme puisque de toute façon, cela lui importait. Elle fut très légèrement agacée, rien qu’un millième de seconde, de se rendre compte que le vent ne lui parlait plus. Une nouvelle fois, elle resta pantoise devant ce vide qui l’habitait … Comment se faisait-il que rien ne vienne le combler ? Que ce soit frustration ou colère, pourquoi était-elle pleine de vide ?

Droite comme « i » sur sa barrière, le menton légèrement relevé, marque des femmes de la famille Wright et de leur port de reine, son regard bleu métal restait fixé sur le lointain. Même immobile, elle dégageait une aura de classe et d’importance. Apprendre les leçons de ses parents avait été long et ardu, lui coûtant tout, même son humanité, mais le résultat était à couper le souffle.

La « compagne » de Lexie reprit la parole, son ton toujours aussi sarcastique. Pourquoi utilisait-elle ce ton moqueur ? Il était bien différent de ceux que Lexie avait supporté chaque jour au lycée, ce ton suffisant que son entourage se sentait obligé d’adopter en sa présence. Oui, cette façon de parler là sonnait plus comme … un mur ? La jeune brune cherchait-elle à se protéger ? Qu’avait-elle donc à cacher ? Lexie reporta donc ses yeux sur ceux de la jeune femme. Sa façon de parler sonnait comme une défense et pourtant, elle semblait indifférente aux réactions que Lexie pourrait avoir. Celle-ci fut tentée de feinter une crise de colère rien que pour observer comment réagirait la fille. Mais cette idée ne persista pas dés lors que la question « Pourquoi ? » s’imposa en elle. Comme souvent, c’était cette question qui réduisait à néant les dernières traces d’humanité qui pouvaient persister en elle. Et comme toujours, elle ne trouva rien pour la contrer. Elle s’apprêtait à retourner à sa contemplation du rien quand la jeune femme ouvrit une nouvelle fois la bouche. Comme à son habitude, Lexie opta pour sa réponse, la sincérité. Car peu lui importait les conséquences qu’elle pouvait avoir. Ce qu’elle faisait à fixer le vide ?

« Et bien, je suis sûre qu’il a beaucoup à m’apprendre. Lui et moi avons pas mal de choses en commun … »

*Et il hurle des choses que je ne comprends pas en moi … * pensa t-elle.

Elle se remémora les quelques fois au lycée où les discussions autour d’elle avaient amené ce genre de sujet. Dans ces moments là, toutes ses « amies » détournaient le regard, baissaient les yeux. Le silence se faisait de longues minutes puis les conversations reprenaient avec entrain sur la dernière paire de chaussures à talons en vogue. Personne n’était dupe, tout le monde savait qu’elle être elle était, ou plutôt, n’était pas. Mais, tout le monde préférait se voiler la face, comme dans toute bonne société, fondée sur les apparences où la folie était de rigueur. Si Lexie en venait à dévoiler ses vides intérieurs, il fallait rapidement changer de sujet, ignorer. Le sujet le plus grave que ces fillettes (telles que Lexie les considérait) étaient capables d’aborder était les anorexiques. Ô combien ces femmes devaient être folles de regarder ainsi leur propre décadence dans un miroir, s’écriaient-elles tout en refusant les desserts autres que les 0%.

Elle haussa les épaules aux paroles de la jeune femme, baissant cette fois si son regard sur ses pieds. Avec une moue pensive, elle se demanda ce qu’il se passait en ce moment sur Terre. Elle était sûrement encore le sujet phare de son lycée. Lexie Wright, la richissime héritière à la beauté glacée était en fait un de ces monstres rejetés sur une planète créée par ces derniers. Quels ragots les pom poms girls vomissaient sur leur ancienne chef ? Qui l’avait remplacée, d’ailleurs ? Ses parents arrivaient-ils à adopter une masque de parfaite résignation emplie de tristesse en évoquant le malheureux sort de leur fille, réduit à suivre des cours sur une planète de mutants ? Sûrement. Rien n’était plus sûr. La perfection des apparences étaient chez eux, innée.

Puis la jeune femme lui proposa une barre chocolatée. Un quart de seconde, la surprise traversa Lexie qui jouait pensivement avec l’attache de son bracelet d’argent. Elle tourna la tête vers la brune, relevant les yeux. Personne ne lui avait jamais rien proposé. Tout du moins, pas sans exiger quelque chose en échange. Les gens autour d’elle semblaient penser qu’elle avait tout et qu’elle n’avait besoin de rien. C’était sûrement vrai, même si Lexie abandonnerait volontiers tout ça pour ce qui comptait réellement. Elle se contenta d’hocher la tête et de prendre délicatement la barre entre ses doigts. Un instant, elle examina l’emballage. Puis elle se souvint de ce qui était approprié dans ces situations.

« Merci. »

Et elle entreprit d’ouvrir doucement et précautionneusement le plastique, essayant avec soin de le garder le plus intact possible. Voilà qui occuperait son esprit vide un instant.

Lexie, la vraie et l’originale, leva la tête vers le ciel quand une goutte de pluie lui tomba sur le bout du nez. Et bien, elle n’aurait pas pensé que l’orage arriverait si tôt ! Mais bon, peu lui importait. Certes, son brushing disparaîtrait sous les trombes d’eau mais elle devait le refaire le lendemain matin, de toutes façons alors, pour ce que ça changeait de son emploi du temps … De plus, elle ne souhaitait pas mettre fin à ce moment, avec son clone qui se montrait bien plus entreprenante qu’à l’accoutumée. Elle avait étrangement envie de voir jusqu’où Lexie bis pouvait aller. La curiosité est un vilain défaut, mais en ce qui la concernait elle, ce n’était qu’un défaut parmi tant d’autres alors au final …

D’ailleurs, son double sourit à la nouvelle venue en glissant ses mains dans ses poches. Le bracelet scintilla. Tout comme sa « maîtresse », cette Lexie n’avait que faire de la pluie. Par pour les mêmes raisons, étrangement. Elle trouvait le tableau charmant. Elle sourit à l’adolescente quand celle-ci reprit la parole.

« Ce n’est qu’une des choses que je peux faire parmi tant d’autres. Mais j’aime entretenir le mystère. Trop dévoiler d’un coup, c’est pas bon ! » lui dit-elle avec un sourire enjoué et un ton jovial.

La vraie Lexie se tourna vers son double, le vide glacé de ses yeux remplacé par la surprise. Jamais son double n’avait été aussi … réel ! Elle tourna les yeux vers la jeune femme qui s’était placée à ses côtés. Y avait-il quelque chose chez cette étudiante placide qui provoquait toutes ces choses étranges ? Comme pour répondre à son petit questionnement passager (pas plus de deux secondes), son double se tourna vers elle et lui sourit sincèrement en la regardant dans les yeux. Une nouvelle fois, Lexie fut obligée de prendre conscience de la personne qu’elle n’était pas, qu’elle aurait pu être … Elle détourna le regard.

Le double se retourna vers l’adolescente, sans réagir quand à la réaction de sa « maîtresse » et sourit à l’étudiante.

« On s’appelle Lexie … Et toi ? »

Pour cette Lexie là, tout semblait naturel. Elle grimaça en relevant la tête vers le ciel. Le clapotis de l’eau s’accélérait et les gouttes tombaient de plus en plus vite, de plus en plus nombreuses. Lexie bis se tourna vers sa patronne, un air interrogateur. En guise de réponse, la Lexie de base secoua la tête. Le lien qui unissait ses deux personnes leur permettait beaucoup de choses … il était plutôt étrange de le voir si puissant et presque omniscient quand on songeait que c’était deux contraires qu’il unissait.

C'était étonnant de voir à quel point ces deux individus, qui se ressemblaient pourtant au détail près au niveau physique, différaient sur le plan psychologique. Tandis que l'une était on ne peut plus froide et distante, son clone, quant à lui, était convivial, et paraissait heureux, bien plus heureux que l'original... Shelley compatissait. D'un certain côté, elle pouvait comprendre la blondinette, qui fixait encore et toujours l'horizon. Elles se ressemblaient pas mal, dans le fond. Elles se prénommaient donc Lexie... Joli prénom. Visiblement étonnée de la réaction de son double, Lexie la dévisagea quelques temps, avant de détourner le regard. Elles s'étaient observées pendant peu de temps, mais Shelley avait cru déceler un sourire, sincère, chez Lexis bis. Celle-ci était donc réellement capable d'éprouver certains sentiments que la précédente semblait avoir oubliés...

"Shelley."

La jeune femme avait répondu d'un ton toujours aussi impassible, et dépourvu d'humanité. Cependant, la confrontation des deux personnes pourtant si semblables qui se trouvaient en face d'elle finirent par former un léger sourire sur ses lèvres. Les gouttelettes de pluie qui affluaient maintenant ne semblèrent pas effrayer les deux Lexie, qui se contentèrent de se lancer un petit regard, puis reprirent tranquillement leurs occupations respectives, à savoir pas grand chose... Pour ne pas dire rien du tout. Amber les observait l'une après l'autre, essayant de trouver un juste milieu à leurs personnalités si opposées l'une à l'autre. La pluie était plutôt froide, et la jeune femme n'avait pas pris de veste. Elle allait sans doute finir par choper une pneumonie, mais cela lui importait peu. Elle se tourna vers la Lexie originale, qu'elle avait un peu délaissée depuis tout à l'heure.

"Difficile à croire que tu puisses former une fille aussi extravertie alors que tu es toi-même plutôt renfermée sur toi-même..."

La voix de l'adolescente s'était faite plus douce, presque compatissante, ce qui l'étonna d'ailleurs un peu.

[Désolée, c'pas long mais j'dois y go, j'voulais juste t'éviter d'attendre encore 3 ans... xD]

Lexie clone esquissa une révérence en souriant. Un sourire sincère collé aux lèvres, elle serra chaleureusement la main de Shelley. Lexie maîtresse se tourna vers Shelley et hocha doucement la tête pour la saluer.

« Enchantée de te connaître ! »

La voix de son clone lui fit de nouveau détourner le regard des yeux de Shelley. Son double avait l’air tellement à l’aise que ça en devenait troublant. Elle avait l’impression de se retrouver avec une sœur jumelle, une vraie sœur jumelle ! Pas une simple photo pâlotte de la réalité incapable de tout. Y avait-il quelque chose dans l’air qui doublait la puissance des pouvoirs ? Eclyps était-elle une planète moins banale qui lui avait semblé au premier abord ? En une journée de cours, elle n’avait pas pu apprendre à exercer un tel contrôle ? D’ailleurs, quand elle y réfléchissait, du contrôle … elle n’en avait pas. Sa « sœur » regardait autour d’elle en souriant, insensible à l’eau qui ruisselait dans ses cheveux. Le lien était toujours là, très fort. Elle savait pertinemment que cette Lexie ferait tout pour elle, que ses yeux se rempliraient de nouveau d’une fureur noire si on s’en prenait à sa « maîtresse », comme lors de sa rencontre avec Marianne, mais même si leur proximité était fusionnelle, ça s’arrêtait là. Elle se sentait purement incapable de lui faire faire quelque chose rien que par la force de son esprit. Sincèrement perplexe, elle s’efforça de faire travailler son esprit. Mais rien ne se passa. Comme consciente de ce qu’elle essayait de faire, son double se retourna vers elle. Elle lui esquissa un sourire, tellement humain et plein de … compassion. Discrètement mais d’une façon touchante, elle lui effleura la main, comme pour la rassurer. Lexie en resta bouche bée. Enfin, intérieurement, rester la bouche ouverte n’était franchement esthétique. Cette fille, ce … clone, l’aimait ! Et le plus étrange c’était que … elle ne se sentait plus aussi vide en sa présence, elle était … elle … était liée à elle. Elle … l’aimait ?

Shelley reprit la parole. D’une voix plus douce que précédemment, comme compréhensive et désolée. Elle en parut elle-même presque surprise. La vraie Lexie la regarda, absente, trop surprise par ce qu’il se passait avec son double, si vivant. Cette dernière regarda Lexie.

« Oh, tu ne devrais pas juger comme ça ! Je t’assure qu’elle est extraordinaire quand on la connait ! »

« Maîtresse » Lexie se tourna brusquement vers son double, surprise.

« Dis donc, tu en sais quelque chose toi ?! »

Le double pouffa, une main devant sa bouche. Elle lança un regard malicieux à Shelley. Lexie, la vraie, était réellement perdue, complètement larguée par la situation. Elle sentait le vide reprendre le dessus en elle mais elle aurait aimé, désirait même, rester dans sa surprise du moment. C’était si plaisant de ne pas être l’intruse parmi les êtres humains.

[Mais oui bien sûr que j'te pardonne. Enfin j'crois, à vrai dire j'vois même pas d'quoi j'pourrais bien t'en vouloir. *sort*]

Lexie bis serra la main de Shelley, après avoir exécuté une magnifique référence à son intention. La jeune femme n'avait pas eu le temps de réagir, et était, il faut bien l'avouer, un tant soit peu troublée par l'attitude de la blondinette qui se trouvait en face d'elle. Le don d'ubiquité permettait-il à la Lexie originale de contrôler son double, ou celui-ci se dirigeait-il et agissait-il par lui-même ? L'adolescente opta pour la deuxième solution. Pour commencer, la jeune femme qu'elle avait rencontré quelques heures auparavant n'aurait sans doute jamais invoqué un double pour le faire agir au parfait opposé de ce qu'elle était, et ensuite, elle semblait aussi étonnée de le voir ainsi, ce qui voulait donc dire qu'elle n'y était pour rien. Intéressant... Un drôle de lien semblait tout de même unir les deux Lexie, car l'une vint effleurer la main de l'autre, comme pour la rassurer... La scène était plutôt touchante, d'autant plus qu'Amber n'avait aucun mal à sentir les diverses émotions qui se succédaient, de plus en plus nombreuses dans l'esprit de la blondinette, qui jusqu'alors n'en avait laissé paraître aucune trace.

"Ouais, ben faut apprendre à la connaître, parce que là, plus impassible... Tu meurs."

La jeune femme avait royalement ignoré la réponse de la Lexie originale. Seul son clone l'intéressait et, étrangement, il la détendait légèrement. Drôle de sensation. Pas comme celle qu'elle avait ressenti en présence d'Amy, non, juste une impression inexplicable de pouvoir parler librement avec cette fille pourtant pas si réelle qu'elle le paraissait... Le clone eût un petit rire à la remarque de sa 'maîtresse' et adressa un sourire malicieux à Shelley, qui ne put pas s'empêcher de le lui rendre. La situation était décidément très bizarre, et elle semblait l'être tout autant pour la Lexie originale... De plus en plus trempée par la pluie qui se faisait de plus en plus abondante, l'adolescente repoussa quelques mèches de cheveux qui la gênaient. Il faudrait peut-être qu'elles pensent à aller s'abriter un minimum, toutes les trois...

Il était clair que Shelley développait un intérêt plus poussé pour le clone que pour la vraie Lexie. Mais celle-ci n’était pas vraiment capable de s’en offusquer. Elle était elle-même comme fascinée par ce qu’elle avait crée. Sentir tout ce tas de sentiments s’emparer d’elle était quelque chose d’inattendu et de … incroyable. A quand remontait sa dernière vague de sentiments ? Sentiments aussi intenses que ceux-là … Et dire que ce clone venait d’elle. Mais maintenant, elle en venait à douter. Lexie bis semblait complètement réelle et humaine. Elle décidait par elle-même de ce qu’elle voulait dire, ressentait ce qu’elle voulait, souriait quand elle le voulait … Elle n’était plus le garde du corps dont Lexie s’était contentée jusqu’à maintenant. Maintenant, sa « sœur jumelle » était … et bien, une vraie sœur !

Shelley reprit la parole, s’adressant encore au clone, complètement insensible à ce que pouvait dire la version originale de l’héritière des Wright. Lexie écouta Shelley sans vraiment calculer que cette dernière se moquait d’elle puis se tourna vers son clone, pressée de voir qu’elle serait la réponse de cette dernière.

Lexie bis esquissa un sourire, un de ces sourires plein de sous entendu, pas un sourire vide, et haussa doucement une épaule.

« Malheureusement, tu as raison. Plus impassible tu meurs. »

Elle tourna doucement la tête vers sa « maîtresse », sa sœur. Lexie regarda la compassion envahir les prunelles de son reflet parfait, son visage tout à fait neutre. Mrs. Wright lui avait dit un jour qu’il ne fallait jamais laisser paraître sa surprise, que c’était une marque de faiblesse, un point faible, d’ailleurs, que les ennemis ne manqueraient pas de noter. Par ennemi, la splendide blonde qu’était sa mère entendait bien évidemment, les PDG des autres multinationales à succès. La première place sur le podium était la marque de fabrique des Wright, tout du moins, la marque de fabrique qu’ils essayaient de se faire.

Alors que Lexie se remémorait les sermons de sa mère ainsi que son regard sévère, son cœur se vida de nouveau. Une partie d’elle hurla de douleur en essayant de retenir les pans de sentiments humains qui l’avait emplis mais la bataille fut vaine. Elle regarda de nouveau la scène entre Shelley et sa Lexie d’un regard vide. Son clone la dévisageait toujours. Elle porta doucement sa main vers celle de sa « maîtresse » et la saisit pour la serrer dans la sienne.

Le clone regarda Shelley, l’air abattu et désolé.

« Ca te dirait de rentrer vers le lycée avec nous ? Il pleut vraiment beaucoup. »

Shelley sentait la pointe de jalousie, qui n'en était d'ailleurs pas tout à fait, qui faisait de temps en temps irruption dans l'esprit de la Lexie originale. Ce devait être dû au fait que la jeune femme semble plus intéressée par son clone qu'à elle-même. A vrai dire, les deux lui importaient peu, il était simplement bien plus facile de tenir une conversation avec la seconde qu'avec la première, qui restait neutre et froide. Ce sentiment de rejet céda cependant bien rapidement la place à une sorte d'extase. Visiblement, la blondinette était tout aussi étonnée de l'attitude de son double qu'Amber ne l'avait été en s'apercevant des différences si flagrantes qui les séparaient, tout en les unissant. Le doute s'immisça dans les pensées de Lexie et, tandis que celle-ci se tournait vers son clone, l'adolescente écouta d'une oreille plus ou moins attentive ce que le double avait trouvé à redire pour défendre sa 'maîtresse'.

Ce n'était pas très recherché comme réponse, mais pourtant on ne peut plus réaliste. Shelley ne répondit pas. De toute façon, il n'y avait pas grand chose à ajouter. Lexis bis adressa un regard empreint de compassion à son originale, puis attrapa sa main, et proposa à la jeune femme de rentrer avec elles... Après tout, pourquoi pas ? Il faisait de plus en plus frais, les gouttes d'eau étaient glacées, et obscurcissaient la vue d'Amber... Celle-ci s'autorisa un léger regard en direction de Lexie, puis répondit d'un ton redevenu impassible à sa création :

"Mouais... Vaudrait mieux n'pas s'éterniser si on veut pas choper une bonne pneumonie..."

La jeune femme regarda les alentours, avant de poser son regard sur la Lexie originale. Elle n'aurait su dire si la perspective de rentrer avec elle la désintéressait complètement, ou l'exaspérait au plus au moins, mais de toute façon, son double s'était chargé de la pousser au bout si tel était le cas. Shelley se leva donc, et prit la direction de l'établissement, comme le lui avait proposé les deux Lexie. Restait à savoir si elles la suivraient ou non... Ca, c'était à elles de le décider.

[Désolée, j'ai pas beaucoup d'inspi en c'moment... x)]

Lexie bis regarda l’étrange étudiante s’éloigner en direction de l’académie. Elle leur avait parlé avec froideur et neutralité, et Lexie, comme toujours, lorsqu’elle entendait sa maîtresse parler de cette façon (c'est-à-dire tout le temps) se sentait plutôt mal … Mais cette fois, c’était à sa sœur qu’on avait parlé comme ça et maintenant, elle se sentait plus agressée qu’autre chose. Dans une position un poil défensive, elle commença à se placer devant sa Lexie. Seulement, Shelley ne lui laissa pas le temps de riposter ou de faire quoi que ce soit puisqu’elle prit le chemin du lycée. Lexie double soupira. Et bien, le monde était vraiment petit. Sur tous les adolescents de la Terre, il avait fallu que ce soit cette fille qui soit « transférée » sur Eclyps, cette fille qui semblait avoir autant souffert que sa sœur et dont la voix faisait aussi se hérisser les poils sur sa nuque. Elle se retourna vers sa maîtresse.

Les épaules affaissée, celle-ci avait quitté la position bien droite qu’on lui avait apprise, ses yeux d’un bleu métallique suivaient les pas de Shelley. Comment, si jeune, pouvait-on avoir abandonné l’idée même de vivre ?

« On devrait y aller, Lex … »

Sa sœur sursauta avant de la regarder. Personne n’avait jamais osé l’appeler « Lex ». Pour ses parents, c’était le plus souvent « ma chère », ou « ma fille ». Quant à … euh … ses « amies », jamais l’une d’elles ne se seraient risqué à tenter la chose, de peur que cela ne déplaise à la cheerleader.

Lexie regarda son double, sa création, le fruit de ses pouvoirs la dévisager avec tristesse et douceur, avec amour. Comment une partie d’elle pouvait faire preuve d’autant d’amour pour une autre partie ? A l’instar de toutes les questions qui trottaient dans son esprit, celle-ci laissa un vide interrogateur gênant dans son esprit. Mais sa « sœur » avait raison, il était temps de rentrer. Et pourquoi pas aux côtés de cette jeune femme avec qui elle partageait quelques affinités ?

Elle descendit donc de la barrière avec grâce et récupéra son port de reine. Elle fit de grandes enjambées pour rattraper Shelley sans pour autant paraître pressée, conformément à son enseignement. Quand elle arriva au coude à coude avec Shelley, elle sentit le froid se faire plus violent en elle. Les sourcils légèrement froncés, elle tourna la tête derrière elle. Pour se rendre que désormais, il n’y avait plus qu’une seule Lexie trempée. Les sourcils arqués, elle s’arrêta brusquement.